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lundi 5 mars 2012

Des entreprises à « l’écoute » de leurs salariés


Seulement quelques décennies auront été nécessaires pour bouleverser à jamais le cours de l’histoire. En effet, à la fin des années 40 apparait une machine aux capacités remarquables : l’ordinateur. Dans un premier temps, sceptiques,  les personnes se méfient de cet outil qu’ils qualifient parfois de « démoniaque », un outil prêt à remplacer l’homme. Cependant, rapidement leurs craintes disparaissent. Ils sont émerveillés par les nouvelles perspectives que leur offre l’informatique : un vent de modernité souffle sur la société française.

Nos modes de vies, nos habitudes se modifient chaque jour, s’accordant au rythme effréné du progrès.

Les hommes du XXIème siècle ont su apprivoiser les Technologies de l’Information et de la Communication, aujourd’hui  indispensables au développement économique et social de notre société. Néanmoins, le passé nous a prouvé que tout progrès implique des dérives, les TIC n’en sont pas exemptées. L’introduction massive d’ordinateurs et autres innovations telles que l’internet au sein des entreprises ont effectivement suscité de nouvelles formes de litiges opposant, comme souvent, employeur et salariés.

Il y a encore plusieurs années, posséder un ordinateur était une priorité absolue pour les firmes internationales. Cet outil était à la fois synonyme de puissance mais également de prospérité aux  yeux de ces dernières. Portées par leur engouement, elles n’hésitent donc pas à investir dans le domaine innovant des TIC. Comme prédit, les outils informatiques facilitent et améliorent le travail tout en offrant la possibilité à l’employeur de contrôler voire « d’espionner » les faits et gestes des salariés.  Ce dernier point est au cœur d’un débat qui, nous pouvons en être sûrs, ne s’apaisera pas dans les années à venir.

L’apparition de TIC de plus en plus perfectionnées fascine les salariés qui, pour la plupart, n’hésitent plus à se connecter sur la Toile,  à stocker des données, des mails personnels voire même à participer à des « chats » durant leur temps de travail. Cependant, afin de pallier à de telles dérives, l’ensemble de ces pratiques sont contrôlées par les employeurs via de nouveaux outils de surveillance. Les questions de liberté et de respect de la vie privée des salariés sur leur lieu de travail se présentent donc comme étant une problématique majeure du XXIème siècle.

Il nous faut souligner, que ce débat trouve son origine dans l’arrêt « Nikon » rendu par la cours de cassation le 2 octobre 2001. Ce dernier précise que « le salarié a droit, même au temps et au lieu de travail, au respect de l’intimité de sa vie privée ». Comme précisé par la citation, l’employeur est donc tenu par la loi de respecter la vie privée de ses salariés bien qu’il soit parallèlement dans l’obligation de protéger son entreprise des dangers encourus par de telles pratiques.

Dès lors, il semble évident qu’un équilibre harmonieux entre respect des libertés individuelles des travailleurs et intérêt des firmes doit être trouvé dans les plus brefs délais.

Face à l’arrivée de nouvelles TIC, les entreprises sont peu à peu contraintes de mettre en place un système de cybersurveillance des activités informatiques de leurs salariés. Dans une société où le marché est roi et la concurrence accrue, les firmes doivent par tous les moyens se prémunir contre les menaces 2.0 : implantation de virus, troyens… mais également contre tous risques humains : fuite d’informations confidentielles, sabotage du réseau informatique, envoi de mail présentant du contenu pornographique, raciste…

Cette cybersurveillance utilise un grand nombre d’outils souvent indéfectibles au « commun des mortels ». Certains programmes permettent, par exemple, de mesurer les débits d’internet empêchant ainsi  streaming et autres formes de téléchargements mais aussi de « filtrer » l’accès à certains sites. D’autres outils permettent de quantifier le nombre d’appels passés à un poste ainsi que leur durée. L’employeur peut également, via les fichiers de journalisation des connexions identifier et enregistrer toutes connexions ou tentatives à un réseau. En d’autres termes, il est possible pour un employeur de savoir qu’elles pages du web ont été consultées, à quelle heure, par qui et combien de temps. Un constat certes inquiétant mais pourtant nécessaire.

D’un point de vue purement juridique, « surfer » sur l’internet à des fins personnelles est illégal pendant son temps de travail. La libre utilisation des TIC peut effectivement faire encourir de nombreux risques à une entreprise. Sans toujours en avoir conscience, les salariés mettent en péril la sécurité des données de la firme ainsi qu’engager la responsabilité de l’employeur dans certains cas (propos racistes, diffamatoires ou contraires aux bonnes mœurs…). Internet, bien qu’étant un outil performant, favorise l’inactivité des salariés ce qui entraîne une réelle chute de la productivité. D’après une étude menée par Olfeo, un utilisateur passe en moyenne, sur une année de travail, 29.5 jours sur la Toile à des fins personnelles, ce qui représente une chute de 14% de la productivité. Et oui, tout acte implique des conséquences… D’autre part, l’image de l’entreprise ou « E-réputation » peut « souffrir » des connexions intempestives des salariés sur des réseaux sociaux tels que Facebook.

Internet, par bien des aspects, se présente donc comme étant la nouvelles « bête noire » du monde du travail.

Face aux litiges opposants employeurs et salariés, le gouvernement a peu à peu dessiné les contours de lois encadrant l’usage d’internet au travail et des moyens de surveillance. Selon l’article L.121-8 du Code du travail, l’employeur peut, en toute légitimité, « surveiller » son salarié mais uniquement dans les règles de la transparence. Il est, en effet, contraint d’avertir son employé des différentes mesures mises en place afin de le contrôler.

« Il faut laisser une marge d'utilisation personnelle d'Internet aux collaborateurs dans le cadre d'une relation de confiance avec l'entreprise. »  (Armand Mennechet, DRH de l’Association française des chambres de commerce et de l’industrie)

Avoir confiance dans son entreprise… Un principe que certains salariés ne souhaitent pas respecter. En effet, ces derniers scandent à l’abus de pouvoir et réclament une meilleure protection du principe de leurs libertés individuelles. Afin de répondre à cette demande, le gouvernement ainsi que la CNIL ont donc créé une charte informatique précisant les droits et les devoirs de chacun des parties.
En octobre 2006, plusieurs arrêts entrent en vigueur en faveur des employeurs : « tous dossiers et fichiers informatiques présents sur un poste de travail sont présumés professionnels, sauf s’ils sont clairement identifiés comme « personnels » ». C’est dans ce cadre que l’interception de mails au sein de l’entreprise peut être acceptée si, et uniquement si, le caractère privé de la correspondance n’est pas précisé. D’après la CNIL, en l’absence de toute mention, le message en question devient par défaut professionnel.
La mise en place de ces chartes d’utilisation des outils informatiques est parfois susceptible d’entraîner des sanctions à l’égard de salariés dont les comportements sont jugés « d’illicites ».
Ces dernières se présentent le plus souvent sous la forme d’avertissement ou de blâme en cas de simple abus. Néanmoins, la sentence peut être beaucoup plus grave. En cas de faute grave, l’employeur peut, effectivement, rompre le contrat de travail du salarié (transmission d’informations confidentielles par exemple ou consultation de sites pédophiles.).

«Attention à ce que vous postez sur Facebook ! Cela pourrait se retourner contre vous tôt ou tard. » (Barack Obama, Président des Etats-Unis d’Amérique).

Un conseil qui appliqué aurait sans doute évité quelques mésaventures à des salariés. Pensant jouir de leur liberté d’expression, ces derniers, pour la plupart,  ont ouvertement critiqué leur employeur sur le réseau social Facebook provoquant un licenciement immédiat.

Les TIC sont, par bien des aspects, de véritables atouts au sein de nos sociétés. Cependant, elles peuvent s’avérer être des menaces pour nos libertés individuelles. Ainsi, la prudence reste de mise dans un monde où les frontières disparaissent et où les hommes sont inévitablement liés les uns aux autres. 

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